dimanche 28 novembre 2010

Génération sacrifiée

Je hais les baby boomers. Parce que je suis trop jeune pour en faire partie. Parce que je suis trop âgée pour qu'ils appartiennent à l'Histoire. Cette génération d'après guerre a eu sans effort tout ce qu'y m'a échappé après m'être battue.
Pourquoi cette accroche ? Elle fait suite à une série de commentaires facebookiens (oui, j'avoue, je délaisse ce blog pour FB) sur l'état de la recherche en France. Le Piou m'assène que je n'ai que ce que je mérite (faible salaire, conditions de travail déplorables, pas de reconnaissance sociétale et j'en passe la liste serait longue), je n'avais qu'à partir aux US.
Certes. Mais les US, j'y suis allée (bien avant lui). Et je suis rentrée en France.
Pourquoi ?
Pour des raisons qui à l'aube de 2011 sont totalement ringardes.
En premier lieu, parce qu'il me semblait devoir quelque chose à notre pays. Après tout, c'est la Nation entière qui avait financé ma thèse, et plus précisément, qui avait permis à une fille d'ouvrier d'obtenir le plus haut diplôme décerné dans notre pays. Oui, je me sentais redevable. Oui, participer à l'effort collectif permettant de faire progresser la connaissance sous couvert de statut d'état me semblait honorable et redevable.
Je suis la reine des pommes ....
Quelques années plus tard, ceux là même que j'ai formé me méprisent et me disent que je n'ai que ce que je mérite, à savoir pas grand'chose.
Ni reconnaissance sociétale, ni salaire, ni honneur. Rien que le mépris d'une société qui évalue en fonction du poids salarial ou du prestige people-esque. Autant dire que quand on évolue dans le milieu de la recherche, on est juste un objet de ricanement (au mieux) ou de mépris.

Mais qu'en est-il de ceux qui sont à l'origine de ce post, les bénis générationnels, les baby-boomers ?
Pour le chercheur cinquantenaire, c'est un cauchemar. Ils sont au pouvoir selon des règles que nous n'avons jamais connu, et nous imposent des règles qu'ils n'auraient jamais rempli (post doc, H index, etc tout ce qui se retrouve sous le label "excellence" estimé sur les critères actuels). Ils sont au pouvoir et ne comptent pas le lacher. Derrière eux, les bébés requins, cette génération élevée à la mamelle de la compétitivité. Mais nous ? Que nous est-il arrivé ? Nous nous sommes expatrié. Nous sommes finalement entré dans un "fleuron" de la recherche (quel qu'il soit) académique, où nous avons été étouffés par cette génération d'enfants gâtés. A notre époque, point d'ATIP, ou autre, point de postes fléchés pour le retour au bercail.
Notre recrutement signait notre arrêt de mort. Obtenir un poste chez Pierre, Paul ou Jacques suffisament vieux pour avoir déjà son labo, suffisament jeune pour ne pas vouloir risquer la concurrence avec ses "jeunes" recrues.
Génération à qui on reproche maintenant son manque d'ambition, son manque de performance (coté institutionnel) et à qui on reproche d'avoir joué le jeu et être rentré au pays (coté néo-expats). Je ne peux ni concurrencer les Baby boomers, assis sur leurs labos issus d'une époque que je n'ai jamais connu, ni les nouveaux entrants à qui on offre des moyens que je n'ai jamais pu approcher.
Peut être dans ces conditions, est il temps de tirer sa révérence du monde de la recherche, et de passer à autre chose.