vendredi 13 juin 2008

Désinformation

Quelle ne fut pas ma surprise ce matin en découvrant l’article de l’Express intitulé «Universités : les meilleurs labos». Bien entendu, il m’a immédiatemment semblé essentiel de regarder de plus près ce classement des unités classées A+ selon le ministère, et relayé par l’Institut Montaigne, particulièrement connu pour son impartialité et ses compétences à juger la qualité de la recherche en France. Institut Montaigne qui s’est empressé de transmettre ce document confidentiel au news-magasine… Une fois de plus, on verra le talent journalistique qui consiste à diffuser une telle information sans réelle contre-enquète.

Quelle est la validité d’un tel classement ? Disons que les laboratoires y apparaissant sont très certainement classés dans le haut de la pyramide… Le seul léger problème est que certains (tous ? j’avoue ne pas avoir le temps pour vérifier de manière exhaustive) ne sont pas des laboratoires universitaires, mais des UMR université-CNRS. J’ai bien entendu regardé attentivement les résultats pour le pôle «Biologie, médecine, santé». Il se trouve que je connais particulièrement bien trois laboratoires classés (et je confirme qu’il s’agit d’excellents laboratoires, tous trois UMR). J’ai commencé à hurler dans la cuisine1, en voyant les effectifs d’enseignants chercheurs affichés. Histoire de ne pas dire n’importe quoi, je suis allée vérifier les données sur les sites web respectifs de ces trois laboratoires. Voilà les résultats de cette rapide contre-enquète :

LEBS : source express : 20 enseignants chercheurs (dont 19 publiants) ; source laboratoire : 18 CNRS, 1 INSERM, 1 MCF Paris 6, 1 Pr Paris 11, soit 2 enseignants chercheurs (de deux universités différentes)

LMGM : source express : 26 enseignants chercheurs (dont 18 publiants) ; source laboratoire : 13 enseignants chercheurs UPS, 15 CNRS

LBME : source Express : 22 enseignants chercheurs (dont 20 publiants); source laboratoire : 6 enseignants chercheurs UPS, 2 INSERM, 16 CNRS.

Que voit-on immédiatement ? C’est que plus le nombre d’enseignants chercheurs est élevé, plus le ratio de publiants diminue …. C’est normal, nos collègues EC ne sont pas moins bon que les CNRS, ils ont simplement moins de temps à consacrer à la recherche.

Moralité, l’excellence des laboratoires universitaires est strictement liée à leur labélisation UMR et à la quantité de chercheurs présents dans la structure.

Le plus fort dans la catégorie désinformation revient cependant au pôle «agronomie, production animales et végétales, agroalimentaire», puisqu’un des laboratoires attribué à l’université Paris-11, l’ISV, est en fait une UPR (soit une unité propre CNRS !!!), où la majorité des enseignants chercheurs qui y travaillent sont de l’université Paris-7.

A votre avis, que se passera-t’il quand le CNRS ne sera plus qu’un souvenir, et que les universités seront seules responsables de la recherche ?…


1 oui, je lisais cet article en prenant mon petit déjeuner, grave erreur !

maj: je réalise que j'use de l'acronyme comme si tout un chacun connaissait les laboratoires dont je parle. Donc pour clarifier:
LEBS: Laboratoire d'Enzymologie et Biochimie Structurales (UMR CNRS-Paris 11)
LMGM: Laboratoire de Microbiologie et Génétique Moléculaire (UMR CNRS-Toulouse 3)
LBME: Laboratoire de Biologie Moléculaire Eucaryote (UMR CNRS-Toulouse 3)
ISV: Institut des Sciences du Végétal (UPR CNRS)


4 commentaires:

Le Piou a dit…

Moi, j'dis "etre classe UMR avec 2 EC, pour 20 cherhceurs, c'est pas mal".
D'ailleurs en fait la vrai notion d'excellence, c'est ca: une UMR sans EC, c'est en fait le reve de tout un chacun...
Et c'est d'ailleurs ce que cherche les universite, en fait non? avoir un labo qui publie chez sans que ca leur coute rien du tout...
D'ailleurs est ce que ca existe des UMR avec 90% d'EC????
CQFD, non?

Roberta a dit…

indépendemment de la qualité de la recherche, non une UMR avec 90% d'EC n'existe probablement pas, au moins avec le CNRS, qui n'est interessé par ce genre de partenariat que s'il a assez de personnel engagé dans le deal.

Anonyme a dit…

Bravo! très beau discours!
Avec vous vive la recherche en France!
Effectivement un chercheur ne devrait que chercher et surtout ne pas faire profiter de son savoir, des fruits de sa recherche à des étudiants! Pas d'ouverture vers l'extérieur, c'est bien ce qui caractérise nos chercheurs déjà, qui ne pensent qu'à être les meilleurs dans leur discipline, s'étrippent à l'intérieur des mêmes équipes pour être les meilleurs, travaillent sans imaginer ne serait-ce qu'une application à ce qu'ils font, alors qu'il y a tant de choses utiles sur lesquelles il serait nécessaire de chercher et qui aurait un intérêt immédiat pour la population!
Peut être ne devriez pas lire tout ça au pti dèj ça risque de ne pas vous mettre en forme pour la journée!

Marie a dit…

Anonyme vous n'avez rien compris mais alors RIEN compris!! Bien sur qu'il faut faire profiter de son savoir. Et d'ailleurs que pensez vous que soit la formation des stagiaires de licence, master ou des doctorants? C'est de la transmission de connaissance, dingue non?
Je serai tout à fait pour que tous enseignent (et d'ailleurs je donne plusieurs cours et TD en M1 de manière totalement bénévole - comprendre non rémunéré), MAIS pas à 192 hr annuelles. Quand je discute avec mes collaborateurs ou amis danois, anglais, américains, ils sont estomaqués des volumes horaires pratiqués en france. Un de mes amis, professeur au Royaume Uni, enseigne entre 20 et 30 heures par an (c'est à dire en amphi). L'encadrement de ses étudiants lui est comptabilisé comme de l'enseignement.
Quant à la tarte à la crème de l'application, je me marre! Figurez vous, que ce n'est pas le même boulot ... et ce n'est pas un jugement qualitatif.
Mais si à l'occasion vous pouviez m'expliquer ce qui aurait un intérêt immédiat pour la population, je serai ravie de vous répondre!