lundi 3 novembre 2008

Foutage de gueule

Reçu aujourd'hui de la direction du CNRS, les nouvelles dispositions visant à améliorer le salaire des chercheurs.
Franchement, notre ministre à nous nous prend carrément pour des poires (et je me censure), même si elle n'est pas Dior addict.

Petit retour sur ce qui devrait être accueilli par les hourras de la foule en délire. Pour aller à l'essentiel, ce n'est pas au CNRS qu'il faut bosser pour avoir une chance de voir son salaire augmenter (même au "mérite").

Commençons par citer Valérie Pécresse (que la peste bubonique lui soit épargnée):
Les lois du 18 avril 2006 et du 10 août 2007 constituent le socle sur lequel les uuiversités et les organismes de recherche construisent leur développement respectif qui a vocation à s'inscrire dans un partenariat fructueux et équilibré entre ces établissements.
Or, ce développement dépend tout entier de ceux qui font leur richesse, en l'occurrence pour les organismes de recherche, les chercheurs, les ingénieurs, les personnels d'encadrement,techniques et administratifs.
Par voie de conséquence, je considère que le «Plan Carrières 2009-2011» que j'ai le plaisir de vous transmettre, constitue un volet indispensable du mouvement de réforme aujourd'hui engagé.
Je souhaite, au travers de celui-ci, reconnaître et valoriser l'engagement professionnel, les compétences, et l'excellence des personnels de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Les mesures qui le déclinent ont ainsi pour objectif affirmé d'attirer et de garder les meilleurs d'une génération en rendant les métiers attractifs, en début de carrière et tout au long de celle ci, par un avancement accéléré et une politique indemnitaire de qualité.
Mon action est guidée par la triple ambition d'harmoniser par le haut les grilles de rémunération et les régimes indemnitaires afin de garantir l'équité, de promouvoir une transparence accrue des décisions et de reconnaître la qualité de la recherche.

C'est émouvant, non??

Une fois rangés les mouchoirs, voici ce qui nous est proposé concrètement:

Le document pdf s'intitule "Fiches sur les mesures du plan Carrières". Mais quand on l'ouvre, le titre est: Attirer les talents à l'Université. Déjà, sans être devin, on se dit qu'on est en train de se moquer de nous.
La première proposition est Offrir un vrai contrat de travail pour les Doctorants. Donc, jusqu'à présent, les bulletins de paie que les élus du ministère recevaient ne devaient pas correspondre à un contrat de travail. Plus sérieusement, je sais pertinament que nombre de doctorants préparent leur thèse dans des conditions épouvantables, et je suis ravie de lire que tous auront un contrat de travail. Mais celà signifie t'il que les universités auront obligation de refuser l'inscription d'un étudiant sans contrat? Que nenni, puisque c'est l'inscription qui conditionnera l'accès au contrat! (en tout cas, c'est ce que je comprends)

▪ Le contrat doctoral sera applicable dans les universités comme dans les organismes de recherche, sous la forme d’un contrat de droit public de trois ans, conditionné par l’inscription en doctorat.
▪ Ce contrat pourra être prolongé d’un an pour circonstances exceptionnelles dans le déroulement de l’activité de recherche. Il le sera en outre de droit, en cas de congé de maternité, de paternité, de congé d’adoption ou de congé maladie de longue durée.
▪ La rémunération minimale fixée sur le plan national pourra être augmentée au-delà de ce montant plancher au bénéfice des doctorants et de l’attractivité des établissements.
▪ Le contrat doctoral pourra prévoir que le doctorant assure les missions qui sont le propre des métiers de la recherche, à savoir la valorisation, les missions de conseil ou d'expertise pour les entreprises ou les collectivités publiques, et bien sûr l'enseignement.
Dans le cadre de ce contrat, l'employeur devra proposer au doctorant toutes les formations nécessaires à l'accomplissement de ses missions (préparation de sa thèse et/ou activités complémentaires qui lui sont confiées), et assurer une préparation à l'insertion professionnelle.
De mention d'un salaire minimum décent, d'une indexation quelconque soit sur le SMIC soit sur le point d'indice, aucune trace...
Mais bon, me direz vous, il ne s'agit que de doctorants, pas de personnel permanent.

Nous y voila dans la section suivante, qui concerne la revalorisation des carrières des enseignants-chercheurs. Oyez oyez, futurs candidats, notre gouvernement dans son infinie bonté vous recrutera directement au 2ème échelon. ah non, je plaisantais!!! Vous serez toujours recruté au 1er échelon, mais il ne durera qu'un an (contre deux actuellement). On respire. Mais vous pourrez faire valoir vos activités antérieures (thèse, post-doc, ATER, privé) pour gagner des années d'ancienneté qui vous propulseront dans les hauteurs de la grille indiciaire.
Ce qui donne, toujours selon le document envoyé par notre ministre (le grassage est ministériel),
la rémunération sera augmenté d’autant : rémunération minimale (sur la base du seul doctorat): 2328 € au lieu de 2068 € actuellement, rémunération maximale : 2838 € au lieu de 2328 € actuellement. Au total, au lieu d’être recruté aux premiers échelons du corps des maîtres de conférences, le docteur qui aura eu des expériences professionnelles antérieures, sera reclassé selon le cas, au 2e, au 3e, voire au 4e échelon.


Quelle générosité! Ce recrutement royal ne sera applicable qu'aux concours 2009, mais ils vérifieront que ceux recrutés les années précédentes ne soient pas lésés. Donc, ami post-doctorant, si tu veux gagner ta vie ... ben, vas donc voir dans un autre pays parce que ce n'est toujours pas ici que tu auras des fins de mois sans souffrance.

Ensuite vient l'épisode des chaires université-organismes de recherches. Je vous renvoie chez Anthropopotame et chez le Piou pour mesurer l'impact de la mesure. L'impact réel de la mesure, est que ces postes seront pris sur le contingent des postes CNRS, mais çà on se garde bien de le préciser. Donc, résumons, le CNRS embauche des enseignants-chercheurs qui n'enseigneront pas (non, n'exagérons rien, qui enseigneront peu).
En utilisant les possibilités offertes par les comités de sélection créés par la loi du 10 août 2007, une université et un organisme de recherche pourront recruter ensemble un maître de conférences dont le profil aura été défini dans le cadre d’une politique scientifique concertée :
▪ Ce jeune maître de conférences, recruté à parité par des représentants de l’université et de l’organisme, sera ensuite placé, de droit, en délégation auprès de l’organisme, et déchargé pour 2/3 de sa charge d’enseignement.
▪ Il bénéficiera d’une prime significative de 6 000 à 15 000 € par an (prime de recherche et d’encadrement doctoral) et de crédits destinés à soutenir sa recherche (de 10 à 20 000 € par an), l’organisme remboursant à l’université une quotité de la masse salariale.

Au passage, ce sont les mêmes qui refusent d'acter qu'avec la charge d'enseignement des universitaires, il est quasi miraculeux de faire de la recherche compétitive ...

La mesure suivante concerne l'Institut Universitaire de France (IUF), et donc s'adresse à des enseignants-chercheurs seniors (comprendre professeurs).

Bon, mais et les chercheurs?? On y arrive avec la section suivante, "Accélérer l’avancement de tous les personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche en élargissant les possibilités de promotion".
Je traduis, pour ceux qui ne maitrisent pas le langage ministériel: on va augmenter les promotions à masse salariale constante. Donc, pour que je sois mieux payée, désolée les jeunes, mais vous aurez moins de postes. Ah non, tiens, je ne serai pas mieux payée:
Cette mesure s’applique à tous les personnels, c'est-à-dire :
▪ aux enseignants-chercheurs pour l’accès à la hors classe des maîtres de conférences, à la 1ère classe et à la classe exceptionnelle des professeurs ;
▪ aux chercheurs pour l’accès à la première classe des chargés de recherche ; pour l’accès à la 1ère classe et à la classe exceptionnelle des directeurs de recherche;
▪ aux personnels administratifs, techniques et des bibliothèques pour l’accès au grade ou au corps supérieur dans les universités comme dans les organismes de recherche.

Pas d'amélioration du passage CR1 - DR ni MdC-PR ... et toujours pas de création d'une hors classe pour les CR. Bon, c'est plus facile quelque part, je sais que je vais perdre en salaire d'année en année jusqu'à mes 65 (euh 70 merci l'UMP) ans. Sacrément motivant non?

D'ailleurs, histoire que les choses soient bien claires, notre ministre nous donne des exemples:
Exemples pour les enseignants-chercheurs : doublement des taux de promotion
▪ Accès à la Hors classe des Maîtres de conférences : ratio actuel : 10%
Mesures du plan : 15% en 2009, 17,5% en 2010 et 20% en 2011
▪ Accès à la 1ère classe des professeurs : ratio actuel : 10%
Mesures du plan : 12% en 2009 ; 13,5% en 2010 et 15% en 2011
▪ Accès à la classe exceptionnelle des professeurs: ratio actuel : 8%
Mesures du plan : 10% en 2009 ; 12,5% en 2010 et 15% en 2011
Exemples pour les personnels BIATOS : augmentation de tous les taux de promotion
Une grande disparité existe aujourd’hui dans les taux de promotion selon le corps auquel appartient l’agent. Cette situation, absolument inéquitable, ne peut perdurer car elle induit des blocages incompréhensibles pour certains :
▪ taux de passage à la hors classe des ingénieurs de recherche : 4,3%
▪ taux de passage à la hors classe des ingénieurs d’études: 20 %
→ Il s’agit naturellement d’augmenter progressivement le taux de promotion des ingénieurs de recherche en amplifiant une stratégie amorcée dés 2008.

Ne cherchez pas, nulle trace de la situation dans les EPST non universitaires.

Il faut se rendre à la page 13 du document (sur 23) pour arriver enfin à ce qui m'interesse (mon compte en banque): "Les mesures indemnitaires pour les chercheurs"

voila de quoi il s'agit (j'hésite franchement à hurler de rire...)
L’évolution de la prime d’encadrement doctoral et de recherche en une prime d’excellence scientifique permettra d’en faire bénéficier les chercheurs.
Naturellement, les principes d’attribution et les aspects financiers seront strictement identiques pour les enseignants-chercheurs et pour les chercheurs :
▪ Nécessité d’accomplir au moins le tiers d’un service d’enseignement, soit 64 heures TD.
▪ Evaluation tous les quatre ans par une instance collégiale pour avis,
▪ Décision de la direction de l’établissement munie de cette évaluation et des critères validés par les instances de l’établissement,
▪ Modulation possible entre un taux plancher de 3500 euros et taux plafond de 15000 euros.
▪ Possibilités d’abonder l’enveloppe budgétaire grâce aux ressources propres, notamment provenant des contrats de recherche.

Donc, résumons. Si je veux gagner plus, je dois travailler plus (çà me rappelle quelque chose, mais quoi ? ). Pour 64 hr TD, il s'agit de 3800 € (dont on ne sait s'il s'agit de brut ou de net), soit environ 59 € de l'heure. Sachant, que pour assurer 64 hr d'enseignement, il faut compter du temps de préparation, et que l'énervé de service qui tient ses comptes nous indique que pour 44 hr d'enseignement il lui a fallu 78 hr de préparation, gnnnnn règle de trois, compter 113 hr, çà nous met l'heure d'enseignement supérieur à presque 34 €. C'est mon coté épicier, on ne se refait pas; franchement, je ne trouve pas que ce soit attractif.

Compte tenu de l'heure et du fait qu'il me reste environ 10 pages à commenter, je m'en vais saucissonner ce papier.
Suite donc au prochain épisode ...

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Mouais, j'ai aussi lu ce document jusqu'a l'ecoeurement... On nous parle un peu en intro de faciliter le retour des post-docs a l'etranger, et puis cette thematique disparait comme par magie de la suite. Ma traduction de ce message: pour un retour facile apres un post-doc a l'etranger, il suffit de faire disparaitre le post-doc, c'est-a-dire de jamais partir. Abracadabra, resultats garantis. De fait, je trouve que la rumeur selon laquelle "on ne peut que difficilement trouver un poste en France sans post-doc a l'etranger" est archi fausse. La vision (certes limitee) que j'ai de la chose c'est que, sauf rare exception, ceux qui restent ont un poste assez rapidement et ceux qui partent cherchent encore.

Sinon, pour le coup des 64 h. eq TD imposees aux chercheurs pour beneficier de la fameuse prime, je voyais ca comme une carotte pour "inciter" les chercheurs a faire de l'enseignement. J'imagine quand meme que les heures d'enseignement assurees par les chercheurs leur sont payees en vacations quoi qu'il arrive (non?) et qu'elles constitueraient une sorte de pre-requis pour pretendre a la prime - dans ce cas, la prime reste une vraie prime pour les heureux elus, mais les autres auront "travaille plus pour gagner plus"... et pour prendre leur ticket au loto de la prime. Total: pour quelques primes, le gouvernement gagne dans l'immediat plein de volontaires pour faire des heures d'enseignement et d'ici 2/3 ans un argument beton pour justifier la disparition du statut chercheur vu que la majorite fait de l'enseignement de toute facon.