Avant que le système tel qu'il existe soit définitivement enterré, je voudrais revenir sur quelques points qui sont systématiquement mis en avant comme étant des causes de dysfonctionnement par nos
gouvernants et leurs
sbires.
Attention, je ne dis pas qu'il ne faut rien changer, loin de là, je veux juste remettre un peu en perspective, et dire qu'on ne fera jamais une bonne réforme si elle se base sur un procès d'intention.
Il fallait bien choisir le premier sujet, et comme on est en plein dans la saison des notifications
1, ma préférence est allée au budget dit récurrent.
Un budget récurrent, comment çà marche?
C'est finalement assez simple. Comme vous le savez
maintenant, chaque grand organisme a un ou plusieurs ministères de tutelle. Chacun de ces ministères va allouer un budget aux organismes dont il a la charge. Ce budget inclut les salaires des personnels (sauf pour les universités, mais avec la LRU çà va changer
2),
et vous allez voir que ce n'est pas trivial. Charge ensuite aux organismes de ventiler ce budget. On enlève les salaires, les charges immobilières, et surement plein d'autres postes que je ne connais pas. Ce qui reste va être utilisé pour la recherche à proprement parler. Dans le cas du CNRS, le budget recherche va être ventilé sur les différents départements, mais pas à part égale. Puis chaque département notifiera aux unités de recherche ce qu'il leur revient. Mais là, quelques règles vont s'appliquer.
- Tout d'abord, on tiendra compte de la catégorie de l'unité. Une unité "propre" (UPR, ne dépendant que du CNRS) touchera plus qu'une unité "mixte" (UMR, dépendant du CNRS et d'un autre organisme, là où je suis c'est une UMR CNRS-Université), cette dernière touchant un budget de toutes ses tutelles.
- Ensuite on tiendra compte du nombre de personnel affecté à cette unité. Ainsi une UMR de 20 personnes dont 10 CNRS touchera plus qu'une de 20 dont 5 CNRS.
Jusque là on est dans la comptabilité bête et méchante. Arrivent les critères scientifiques. Et oui, contrairement à ce qu'on veut bien laisser croire, l'argent ne tombe pas du ciel, et les unités d'une part et les chercheurs d'autre part sont évalués. De la qualité de leur travail va dépendre une partie de leur budget.
- L'évaluation scientifique
3 de l'unité (le classement pour être plus clair) va affecter le montant attribué. Selon que l'unité ait été classée A, B ou C elle n'aura pas les mêmes revenus (C en général, elle ferme).
- L'évaluation des chercheurs
4 de l'unité entre aussi en ligne de compte. Ainsi, reprenons notre unité fictive à 20 chercheurs dont 10 CNRS. Imaginons que sur les 10 CNRS, 3 n'aient pas rempli les objectifs qui nous sont imposés
5 (et qui ne sont pas si violents que çà pour être honnête), c'est à dire que sur une période de 4 ans, ils n'ont pas 3 papiers (ou 1 seul très gros, Nature ou Science) ces 3 chercheurs sont considérés comme non publiant, on coupe les crédits les concernant.
On est très loin de l'argent tombé du ciel quoiqu'il arrive...
Que se passe-t'il au niveau de l'unité? Le budget qu'elle reçoit va être ventilé:
- frais fixes (contrats d'entretien, de location, fluides, abonnements ...)
- Vacations (de quoi embaucher un peu sur CDD au cas où)
- Equipement (achat de gros matériel, trop cher pour être laissé à charge d'une équipe, -80° ou ultracentrifugeuse par exemple)
- Fonctionnement: c'est ce qu'on appelle un peu partout le fameux "point chercheur". Ce poste, c’est ce qu’il reste quand tous les incompressibles ont été payés. Il peut très bien ne pas rester grand’chose.
La règle dans notre unité, est de diviser l’argent restant disponible par le nombre de "chercheurs" (chercheurs en poste, post-docs et thésards comptent pour une part, les M2 pour 0,5 part), et de redistribuer aux équipes en fonction de leur composition. Localement, on ne tient pas compte du publiant/non publiant
6, mais cela va peut être changer vu les coupes sombres dans les budgets. Et voilà d’où sort mon
budget récurrent 2007 : j’avais 1,5 parts (bien que nous soyons 4 dans le groupuscule), ce qui nous met le point 2007 à 1800€. Soyons clairs, ce n’est pas avec çà que l’on peut bosser. Nous pratiquons donc la recherche de financements extérieurs pour pouvoir fonctionner. Honnêtement, ceux qui n’ont pas de contrats sont assez mal engagés pour produire des résultats, publier, etc… On est donc dans un cercle logique qui ne peut que conduire à augmenter les non-publiants, et donc diminuer le budget global de l’institut, d’où ces derniers temps une tendance à remettre en cause le calcul de la redistribution…
Mais revenons un étage au dessus, au niveau du CNRS. Ses employés sont fonctionnaires, leur carrière évolue en fonction de la très fameuse grille de la fonction publique. Pour faire bref, cela veut dire que tous les ans la masse salariale augmente puisque des échelons sont franchis. A budget total constant, l’argent restant hors salaire est donc en baisse. Voilà pourquoi, nombre de gouvernements ont pu dire qu’ils ne baissaient pas le budget, alors que les chercheurs disaient le contraire….
Dans le même état d’esprit, cette année c’est très fort : le budget total du CNRS est très augmenté ; oui, mais, à partir de cette année, c’est le CNRS qui va payer les pensions de ses retraités et plus le ministère du budget !! Ce jeu d’écriture représente la modique somme de 470 millions d’euros, tous organismes de recherche confondus.
Voilà comment un gouvernement peut communiquer sur le thème ‘voyez comme nous soutenons la recherche, en augmentant sa part dans le PIB’, alors même que cet argent ne servira pas à l’effort de recherche.
À suivre…1 A l'heure où j'écris, nous n'avons toujours pas reçu ladite notification de budget 2008...2 Il faut vraiment que je vous parle de l'université un de ces jours3 Réalisée tous les 4 ans, à l’occasion du renouvellement du contrat quadriennal, ou tous les 2 ans s’il y a un souci4 Réalisée tous les 2 ans, ramenée à 1 an s’il y a un souci5 Ces critères varient d'une commission scientifique à une autre, ils sont en général adaptés aux thématiques qu'elles couvrent. Je prends ici, les critères de la commission dont je dépends6 C’est le principe de solidarité. J’en ai bénéficié lors d’une reconversion thématique ayant entraîné un gros trou de publication…